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CXII


Quand je voy ces seigneurs, qui l’espée et la lance
Ont laissé pour vestir ce sainct orgueil romain,
Et ceux-là, qui ont pris le baston en la main,
Sans avoir jamais fait preuve de leur vaillance ;

Quand je les vois (Ursin) si chiches d’audience,
Que souvent par quatre huiz on la mendie en vain :
Et quand je voy l’orgueil d’un camérier hautain,
Lequel feroit à Job perdre la patience,

Il me souvient alors de ces lieux enchantez,
Qui sont en Amadis, et Palmerin chantez,
Desquels l’entrée estoit si chèrement vendue.

Puis je dis : ô combien le palais que je voy
Me semble différent du palais de mon roy,
Où l’on ne trouve point de chambre deffendue !

Voilà les huit sonnets que le roy Henry II avait fait cartonner dans l’exemplaire des Regrets destiné à sa bibliothèque. Ce n’est pas qu’ils soient beaucoup plus méchants que les autres, et je ne vois guère que les plaisanteries du poète sur le Jupiter du Vatican et ses cinquante Ganymèdes (sonnet CVI) et la comparaison par laquelle se termine le sonnet CXII qui aient pu justifier la censure royale.

Quoi qu’il en soit, le cardinal du Bellay se montra très offensé de la publication des Regrets, et, pour signifier son mécontentement au poète, il lui retira sa protection. Joachim croyant avoir été desservi par les Caraffes auprès du cardinal lui écrivit pour se défendre une longue lettre sous la date du dernier jour de juillet 1559, dans laquelle se comparant à Job sur son fu-