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On ne fait de tout bois l’image de Mercure,
Dit le proverbe vieil : mais nous voions icy
De tout bois faire pape et cardinaux aussi,
Et vestir en trois jours tout une autre figure.

Les princes et les rois viennent grands de nature,
Aussi de leurs grandeurs n’ont-ils tant de souci,
Comme ces dieux nouveaux, qui n’ont que le sourci,
Pour faire révérer leur grandeur qui peu dure.

Paschal, j’ay veu celuy qui n’aguères traînoit
Toute Rome après lui, quand il se pourmenoit,
Avecques trois valletz cheminer par la rue :

Et traîner après luy un long orgueil Romain
Celuy, de qui le frère a l’ampoulle en la main,
Et l’aiguillon au poing se courbe à la charrue[1].

Il faut croire d’ailleurs que le roy Henry II fit ses réserves au moment de la publication des Regrets, car l’exemplaire peut-être unique de l’ancienne bibliothèque du roi, à présent Bibliothèque nationale (Y, 4593) contient huit sonnets de plus que l’édition originale (Paris. Frédéric Morel, 1558, in-4o). Ces huit sonnets ont été publiés pour la première fois dans l’ordre qu’ils devaient occuper (CV à CXII) par M. Isidore Liseux qui nous a donné en 1876 une si gracieuse édition des Jeux rustiques et des Regrets[2]. On n’a qu’à les parcourir pour comprendre les raisons qui les avaient fait retrancher de la première édition. Henry II voulait bien les lire sous le manteau de la cheminée royale ;

  1. Les Regrets, sonnet CII.
  2. La découverte en revient à M. Paulin Paris et la première publication à M. A. de Montaiglon.