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Lyon seul eut le pouvoir de le désarmer :

Scève, je me trouvay comme le fils d’Anchise
Entrant dans l’Élysée et sortant des enfers,
Quand après tant de monts de neige tout couverts
Je vis ce beau Lyon, Lyon que tant je prise[1].

C’est que, pour du Bellay, Lyon c’était la France ; il y rentrait fatigué, désenchanté, mais ayant au cœur la joie inexprimable de l’exilé qui revoit son pays.

Hélas ! cette joie devait se changer bien vite en amertume. De nouveaux chagrins l’attendaient en France plus douloureux que tous ceux qu’il avait essuyés jusque-là. Cette fois encore ce fut la main des siens qui s’appesantit sur lui.

Je me resjouissais d’estre eschappé au vice
Aux Circes d’Italie, aux sirènes d’amour,
Et d’avoir rapporté en France à mon retour
L’honneur que l’on s’acquiert d’un fidèle service.
Las, mais après l’ennuy de si longue saison
Mille soucis mordans je trouve en ma maison,
Qui me rongent le cœur sans espoir d’allégence.

Ses lettres au cardinal publiées par M. Révillout nous ont fait connaître la cause de ces soucis.

Joachim ne destinait pas les Regrets à l’impression ; il se contentait, nous dit-il, de laisser voir ses vers à ceux de la maison de son parent qui lui étaient plus familiers ; mais un écrivain breton, qui de ce temps-là vivait avec lui à Rome, en faisait des copies secrètement qu’il vendait aux gentilshommes français de passage en

  1. Les Regrets, sonnet CXXXVII.