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à nous la raconter ; c’est peut-être le seul roman qu’il ait eu dans sa vie. Quand on réfléchit à la condition particulière de Joachim du Bellay on s’explique difficilement que ce poème de Faustine ait été publié de son vivant, sous le patronage de madame Marguerite à qui il était dédié et avec la recommandation du chevalier Olivier. Mais les mœurs d’alors étaient si légères qu’on trouvait tout naturel qu’un poète, fût-il dans les ordres, chanoine de Paris et parent d’un cardinal, ait eu des intrigues amoureuses et les révélât.

Cependant il est fort possible que cette aventure ait contribué à précipiter son départ de Rome. Joachim du Bellay y était resté plus de quatre ans. Les Regrets nous indiquent l’itinéraire qu’il suivit pour rentrer en France. Venise, Genève et Lyon, voilà ses trois grandes étapes. Les deux premières lui ont inspiré les vers les plus mordants qui soient tombés de sa plume.

On connaît son épigramme sur les doges de Venise.

 
..... Ces vieux coquz vont espouser la mer
Dont ils sont les maris et le Turc l’adultère[1].

Celle qu’il a faite sur les Genevois n’est pas moins fine :

Ils boivent nuit et jour en Bretons et Suysses,
Ils sont gras et refaits et mangent plus que trois :
Voilà les compagnons et correcteurs des Roys
Que le bon Rabelais a surnommés saulcisses.
Ils n’ont jamais changé leurs habits et façons,
Ils hurlent comme chiens leurs barbares chansons,
Ils comptent à leur mode, et de tout se font croire[2].

  1. Les Regrets, sonnet CXXXIII.
  2. Les Regrets, sonnet CXXXV.