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accepta donc l’emploi d’intendant du cardinal, non sans se plaindre tout bas, comme on peut le voir dans les lettres conservées à la Bibliothèque de Montpellier et publiées par M. Révillout[1]. « Et quant en quelque endroit de mes sonnets on vouldrait interpréter que les plaintes que j’y fais se doibvent nécessairement référer à vous (écrit-il au cardinal), comme on voit ordinairement que ceux qui se sentent vrays et fidelles serviteurs sont quelquefois plus prompts à se plaindre et passionnés que les autres, je ne veux pas du tout nyer que voyant beaucoup d’autres qui ne vous atouchent de si près que moy, ni de parenté ni de service, recepvoir tant de bien et d’honneur de vous, comme ils ont fait, il ne m’en soit échappé quelque regret parmy les autres. »

Le poète fait allusion aux attaques dont il fut l’objet quand parurent ses Regrets.

On sait que ce recueil est le tableau satirique de Rome présenté sous la forme d’un journal. Le poète était on ne peut mieux placé pour juger de la tête aux pieds ce monde de cardinaux et de courtisans qui s’agitait alors à Rome dans la débauche et dans le crime.

« Tout en ayant de la maison du cardinal le principal soucy », comme il le dit lui-même à Morel, dans son XVIIe sonnet, Joachim du Bellay « passait quelquefois le temps à la poésie latine et françoise ; » toutes ses impressions quotidiennes, ses souvenirs, ses regrets, il les notait, il les fixait dans ses vers avec d’autant plus de franchise et de sincérité qu’il n’avait pas l’intention de

  1. Ces lettres ont été annexées par M. Marty-Laveaux à son édition.