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voyage en Italie. Quoiqu’il ait amèrement regretté ce voyage, ce n’est pas lui qui aurait pu s’appliquer ce vers de Lamartine :

Sous un ciel toujours pur le cœur ne mûrit pas !

Car il atteignit à Rome non seulement la maturité du cœur, mais aussi la maturité du talent.

Joachim du Bellay qui avait dédié au cardinal du Bellay, son oncle, « les premiers fruits, ou pour mieulx dire, les premières fleurs de son printemps[1] », fut appelé près de lui à Rome. Le cardinal jouait le rôle de protecteur des lettres. En 1534, lors de son premier voyage à Rome, il avait eu pour médecin Rabelais, et c’est lui qui l’avait fait nommer à la cure de Meudon. Plus tard il s’était également intéressé à Louis des Masures, après la mort du cardinal de Lorraine dont ce poète fut pendant quelque temps le secrétaire. Le cardinal menait grand train à Rome où il s’était fait construire un superbe palais, près des Thermes de Dioclétien. Il s’attacha Joachim du Bellay, comme intendant.

Ce n’était pas précisément le poste qu’avait rêvé le poète, et ce n’était guère la peine d’avoir fait son droit pour endosser la livrée de régisseur ; mais Joachim du Bellay avait déjà l’oreille paresseuse, ce qui l’affligeait plus qu’il ne laisse apercevoir dans son Hymne de la surdité, et, quand il partit pour Rome, le désir, la satisfaction de voir la Ville Éternelle lui faisaient complètement illusion sur les fonctions qui l’y attendaient. Il

  1. Préface de la Défense et illustration de la langue françoise.