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Que songes-tu, mon âme emprisonnée ?
Pourquoi te plaist l’obscur de notre jour,
Si pour voler en un plus clair séjour
Tu as au dos l’aile bien empennée ?

Là est le bien que tout esprit désire,
Là le repos où tout le monde aspire,
Là est l’amour, là le plaisir encore.

Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,
Tu y pourras recognoistre l’idée
De la beauté qu’en ce monde j’adore.

Quelle était cette beauté dont il espérait retrouver le modèle, là-haut ? C’est encore une énigme. Tout ce que l’on croit savoir c’est que l’Olive désigne par l’anagramme une demoiselle Viole. Colletet dit que cette demoiselle était parisienne ; Goujet prétend au contraire qu’elle était angevine ; en face de ces contradictions il est permis de supposer que Joachim du Bellay n’a chanté qu’une maîtresse imaginaire sous un nom bizarre. C’était du reste la coutume des poètes du temps. Ronsard chantait Cassandre ; Baïf chantait Francine ; Claude de Buttet, l’Amalthée ; Jacques Tahureau, l’Admirée ; tout le Parnasse avait sa mie, vraie ou feinte, en chair ou en imagination. Ce qui me ferait croire que l’Olive de Joachim du Bellay n’a jamais été qu’une femme idéale, c’est que je ne trouve dans ce poème aucun cri d’amour qui soit sorti du cœur, que derrière le poète on ne devine point l’homme (homo natus muliere). Qu’il y a loin de ces accents à ceux que lui inspirera sa Faustine quelques années plus tard !

Décidément notre poète avait besoin d’aller faire un