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causa cette tutelle et il resta deux ans sur le lit. Cette maladie décida de sa destinée. Il avait rêvé jusque-là de se faire un nom dans les armes comme son illustre aïeul M. de Langey ; pendant sa maladie il se mit à courtiser les muses et à étudier les auteurs anciens. Il s’était déjà fait connaître dans le chœur aonien, quand il s’aperçut que « s’il voulait gaigner quelque nom entre les Grecs et Latins, il y faudrait employer le reste de sa vie, et peut-être en vain, étant déjà coulé de son âge le temps le plus apte à l’étude…… Au moyen de quoy n’ayant où passer le temps, et ne voulant du tout le perdre, il s’appliqua volontiers à notre poésie ; excité et de son propre naturel, et par l’exemple de plusieurs gentils esprits françois, mesmes de sa profession, qui ne dédaignaient point manier et l’espée et la plume, contre la fausse persuasion de ceux qui pensent tel exercice deroger à l’estat de noblesse[1] ».

Voilà son parti pris. Joachim du Bellay s’est jeté dans la rude carrière des lettres. Il a beau dire dans la préface de l’Olive que « si la fortune lui veut présenter quelque chose où avecques plus grand fruict il puisse occuper son esprit, » il s’en retirera facilement, c’est serment d’ivrogne. Qui a bu boira ; qui a écrit écrira. C’est déjà beaucoup qu’il pousse le respect de son art jusqu’à garder son indépendance. Combien peu, de son temps, auraient pu dire comme lui que leur Muse « n’était esclave ou mercenaire, mais serve tout seulement de leur plaisir. »

Joachim du Bellay, suivant le conseil de ses amis et

  1. Préface de l’Olive.