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pite avec la rapidité et le bruit des torrents. Ce qu’il caressait hier, il l’arrache aujourd’hui. Les jetées et les digues, rien ne l’arrête ; il monte, il monte comme le déluge, avec une telle vitesse que les riverains ont à peine le temps de se sauver. Il déracine les arbres, emporte les maisons, rompt les digues, éventre les jetées, dévalise les campagnes et sème la désolation partout où il passe. Tel est le fleuve en colère, le fleuve des mauvais jours ; encore une fois, je ne peins ici que la Loire au repos.

Joachim du Bellay a dû, plus d’une fois, reposer ses yeux sur cette toile enchanteresse à laquelle il ne manque que l’azur du ciel d’Italie pour ressembler au lac de Côme. Quel autre paysage aurait pu lui inspirer les jolis vers qu’il a consacrés à l’Anjou ?

Le manoir « basty par ses aïeux » offre encore des ruines importantes, et il est probable qu’il serait demeuré debout s’il n’avait été incendié en 1793. Il en reste aujourd’hui trois tours ébréchées, reliées entre elles par une courtine aux mâchicoulis conservés.

Ces tours le défendaient avec de larges douves du côté où il était dominé ; aujourd’hui, les éperviers et les corbeaux ont élu domicile dans les cheminées et les meurtrières et font une horrible chasse aux petits oiseaux, mésanges et pinsons, qui viennent, chaque printemps, nicher dans le lierre et les giroflées sauvages.

De l’autre côté, les remparts dominent une délicieuse coulée où les arbres et les plantes sauvages s’enchevêtrent et se marient comme dans une forêt vierge. À mi-côte, se dresse un magnifique amphithéâtre de marronniers qui doivent être plusieurs fois