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blesse, ils frappent dur et dru, les femmes de la langue les hommes du poing. Du reste, ils n’ont pas de rancune et secourent volontiers leur prochain.

Les Angevins sont plus mielleux et sentent plus la culture. Ils sont plus fins, mais moins francs peut-être. Chez eux le regard est plus mobile et plus doux ; ils causent davantage et sont plus hospitaliers ou du moins plus affables. Leur huche est ouverte à tout venant. Cela vient sans doute de ce qu’ils ont plus d’aisance. Les Angevins sont un peuple de vignerons, les Bretons sont un peuple d’ouvriers. Les uns possèdent ce qu’ils cultivent, les autres travaillent à la semaine pour le compte d’autrui. — Différence de vie et de mœurs. — Ce qu’ils ont de commun c’est la superstition. Pas de danger que des deux côtés du fleuve on entame jamais un pain sans lui faire une croix sur le dos, ou qu’on le couche sur le ventre ; vous ne verrez jamais sur une table la fourchette et la cuiller posées en croix ; malheur à qui renverse la poivrière ! malheur à qui fait la lessive le Vendredi-Saint ! tout drap de lit blanchi ce jour-là devient un suaire dans le courant de l’année. Le travail commencé le samedi ne vaut rien ; un jour entre deux fêtes n’enrichit ni compagnon ni maître. Ils sont buttés là-dessus comme sur une vérité de l’Évangile, et il ne faudrait pas les en plaisanter.

Voilà pour les mœurs. Il y a encore une petite différence de prononciation. Les Bretons accentuent davantage leurs mots et font sonner le t final, c’est ainsi qu’ils disent : un pott, du laitt, un sabott, pour un , du , un sabô ; ils traînent leurs phrases comme leurs