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au contraire, le nom d’Angers lui vient à la bouche. Cela est vrai, mais s’est-on demandé pourquoi ? La vie du poète reflète souvent la vie d’un peuple aussi fidèlement que le fleuve reflète l’ombre de ses bords. Quand on a vécu sur les rives de la Loire et que l’on connaît l’histoire d’Ancenis, on s’explique sans peine l’oubli — volontaire ou non — du poète angevin. La Bretagne et l’Anjou ont toujours été plutôt rivales qu’amies. Même pendant la guerre de Vendée où cependant elles soutenaient une cause qui leur était également chère, elles ne purent faire taire tout à fait leurs ressentiments, et c’est une des raisons qui précipitèrent la fin désastreuse de leur campagne contre la République.

Séparées entre Ancenis et Liré par les eaux de la Loire, elles eurent le malheur de servir trop tard des intérêts politiques adverses. L’homme élargit en quelque sorte le fossé de la nature. L’Anjou était depuis longtemps déjà réunie à la France que la Bretagne et tout particulièrement Ancenis qui en était la clé se débattaient encore sous le joug de l’étranger. On comprend donc que du Bellay ait omis, en parlant de son petit Liré et de son Loyre gaulois de prononcer le nom d’une terre qui n’était française que d’hier et dont les ducs et les barons avaient guerroyé si longtemps contre la maison ducale d’Anjou. Et d’ailleurs le poète était de ceux qui mettent la France au-dessus des querelles et des jalousies de clocher ; l’amour du pays natal ne lui suffisait pas ; il avait besoin, pour satisfaire son âme ardente, de cette chose indéfinissable et sublime à laquelle il avait le premier donné le nom de patrie ! Aussi, quand il écrit de Rome à Ronsard, à