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OPINIONS


De M. Jacques Bainville :

Esprit positif, sans aptitudes pour gravir à tout propos le septième ciel, examinateur et sachant les hommes enclins à la superstition, il se tient en défiance contre l’idéal et l’absolu, — les idoles, comme il dit avec Bacon qui doit être un philosophe de son goût. Non point que M. Faguet aille invoquant à grand bruit la raison, la science ou l’infaillibilité de sa méthode. Doucement mais systématiquement, ou pour emprunter deux autres adverbes à Carlyle qui en fait parfois un si amusant usage, modestement mais catégoriquement, il écarte de son vocabulaire et il proscrit de sa discussion tout ce qui sent le mystique. Il ne nie pas ; il n’affecte même pas d’ignorer ; il passe. À l’abri des illuminations d’en haut il poursuit d’une âme rassise ses analyses et ses raisonnements.

C’est là qu’un naturel, qui est le moins froid du monde, reprend le dessus, et que son tempérament se révèle. Un esprit incapable d’inventer des fictions et dédaigneux d’élaborer un système du monde n’est point pour cela réduit à collectionner de petits faits et à crayonner de maigres gloses sur les ouvrages d’autrui. Ce qu’il y a de positif, et en même temps d’utilitaire, dans l’intelligence de M. Faguet, le porte à écrire des exposés aussi clairs que complets des ouvrages qu’il a lus. Mais un don qu’il possède au plus haut degré, qu’il a trouvé lui-même chez un Proudhon et défini l’imagination intel-