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heur, que les trois autres tombèrent à terre à côté du corps de la Bête.

Elle ne tarda pas à expirer ; quand elle fut bien morte, Jean coupa ses sept langues qu’il mit dans un mouchoir marqué de son nom, et la fille du roi retourna à la ville où tout le monde fut bien réjoui de voir que la Bête à sept têtes ne l’avait pas dévorée.

Comme le soir était venu pendant que Jean reprenait le chemin de la ville, il n’oublia pas le conseil de sa mère, et il se coucha à l’endroit où la nuit le surprit. Fatigué des travaux de la veille, il resta endormi bien après le lever du soleil, et une hirondelle vint en rasant la terre lui effleurer la figure du bout de son aile. Il se réveilla brusquement en frissonnant un peu, et apercevant l’oiseau qui fuyait, il s’écria :

— Ah ! je ne savais pas jusqu’à présent si la Peur était à plumes ou à poil ; mais je vois maintenant qu’elle est à plumes.

Ce fut la seule fois de sa vie où il éprouva un commencement de crainte, et encore, il dormait plus d’à moitié quand cela lui arriva.

Il prit le chemin de la ville, et en entrant dans le palais du roi qui était tout en fête, il apprit qu’on allait marier la princesse avec celui qui l’avait délivrée et qui était assis à côté du roi. C’était un homme qui, passant près de l’endroit où gisait la Bête morte, avait coupé les sept têtes et les avait apportées en disant que c’était lui qui avait tué le monstre.

— Attendez, cria Jean, cet homme est un affronteur : il n’y a pas de bêtes sans langue : regardez si les langues sont encore dans les bouches de la Bête.