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son bissac, plaça son bâton à la portée de sa main et se prépara à dormir.

Mais au moment où il commençait à fermer les yeux, le vent qui soufflait à travers les fenêtres sans vitraux choqua les pendus l’un contre l’autre avec un si grand bruit qu’il aurait réveillé le dormeur le plus obstiné.

Jean se leva et dit :

— Je vais bien vous faire rester tranquille, moi.

Et d’un coup de bâton, il fit tomber par terre l’un des pendus.

Il n’entendait plus rien et allait se recoucher quand survint une autre rafale, qui poussa l’un contre l’autre les deux pendus qui restaient. Jean en frappa encore un avec tant de force qu’il roula sur le pavé de la chapelle.

Il alla se coucher pour la troisième fois, pensant que désormais il pourrait reposer tranquillement ; mais le vent souffla encore et le dernier pendu heurta le mur du pied.

— Comment, vaurien, s’écria Jean en colère, tu es tout seul maintenant et tu ne peux rester en repos ! je vais me lever et te traiter comme tes camarades.

— Ne me frappez pas, dit le pendu, qui, par une permission du ciel, recouvra la parole, écoutez-moi plutôt, si vous avez un peu de charité. Nous avons été tous les trois étranglés ici par le bourreau pour avoir volé les trésors de l’église : ils sont cachés sous une pierre tombale qui est dans le bas de la chapelle à côté du bénitier. Si vous avez assez de courage pour les prendre et les restituer au prêtre, nous pourrons au moins espérer d’obtenir la miséricorde de Dieu.

— Bien, dit Jean, reste tranquille : dès demain, je ferai ce que tu désires, et ce ne sera pas encore cette fois-là que j’aurai peur.