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grande qu’on n’y voyait ni terre, ni île, rien que le ciel et l’eau ; mais comme ses forces faiblissaient, il déposa le pêcheur sur un rocher que la marée venait de laisser à découvert, puis il partit à tire d’ailes pour le château des quatre chaînes d’or, afin de s’emplir de nouveau le ventre de viandes, et de pouvoir reprendre l’homme sur son dos.

Le pêcheur resta seul sur le rocher, et le temps lui sembla long, car l’aigle ne revenait point et il savait que la marée haute recouvrait le rocher. Cependant la mer montait, montait, et le pêcheur avait beau regarder de tous ses yeux, il ne voyait point revenir l’aigle. Il se mit debout sur la pointe la plus élevée du rocher ; bientôt l’eau vint l’y trouver, elle baigna ses pieds, puis son genou, elle atteignit sa taille, puis ses épaules, et il ne voyait rien venir. Au moment où la vague lui arrivait jusqu’au menton, l’aigle parut ; et l’ayant pris sur son dos, il le déposa dans la cour du château où les noces devaient être célébrées le lendemain.

La femme du pêcheur était à sa fenêtre : elle reconnut son mari et fut bien heureuse de le voir, car elle l’aimait bien, et c’était contre son gré qu’elle l’avait quitté. Elle trouva moyen de lui parler secrètement et lui dit :

— Le seigneur qui m’a enlevée ne quitte jamais la tabatière magique, et tous les soirs en se couchant, il la met sous son oreiller, de sorte qu’il est malaisé de la prendre sans l’éveiller. Il faut que l’aigle aille trouver le mari de ta troisième sœur qui commande aux rats et aux souris, afin qu’il ordonne à quelques-uns de ses sujets de venir ici. Quand le seigneur ronflera, une petite souris ira lui fourrer la queue dans sa bouche entr’ouverte ;