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t’en prie, reporte-moi à l’eau maintenant que tu m’as vue de près, et je te protégerai, toi et toute ta famille, tant que tu vivras.

— Non, répondit le sabotier, je ne te remettrai pas à la mer ; il y a trop longtemps que je te guettais, et aussi ma femme et mes enfants. Je vais te porter à la maison pour qu’ils te voient ; mais quand tu auras chanté une chanson, si ma femme veut, je te rapporterai où je t’ai prise.

Il appela sa femme qui avait nom Olérie, et lui cria :




— Olérie, viens donc voir, et amène les enfants ; j’ai la chanteuse dans mon panier.

La bonne femme accourut toute joyeuse, suivie du petit garçon et de la petite fille, et ils se mirent à regarder la Sirène.

— Elle demande, dit le sabotier, que je la porte à la mer ; elle te chantera une chanson auparavant. Y consens-tu ?

— Non, répondit-elle, c’est un trop beau poisson : jamais je n’en ai vu un semblable ; il faut le manger.

— Ah ! dit la Sirène, si tu te nourris de ma chair, si tu te repais de mon poisson, tu ne mangeras plus rien en ce monde, car tu périras. Je ne suis pas un poisson comme les autres : je suis la Sirène de la Fresnaye, et ton mari m’a surprise pendant que je dormais.