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contes de la haute-bretagne.

faim, on lui montra où était la pâture. Il remarqua que toutes les barrières qui lui servaient de clôture avaient été coupées, et il se mit à les raccommoder : comme il finissait sa besogne, arriva un géant monté sur un grand cheval qui lui dit d’une voix terrible :

— Qu’est-ce que tu fais là, toi, moutard ?

— Cela ne vous regarde pas, géant, je fais ce que je dois faire.

— Eh bien ! pour ce que tu es à faire, je vais te tuer.

— Nous allons voir cela, répondit le petit forgeron sans s’émouvoir.

Il prit son sabre, se mit en garde, et coupa la tête au géant et à son cheval, puis il les poussa du pied en disant :

— Tenez, vous avez encore les pattes pour danser.

Quand il fut de retour à la maison, on lui demanda s’il n’avait rien vu.

— Si, répondit-il, j’ai vu quelqu’un, mais je lui ai fait voir le tour, et il n’ennuiera plus personne désormais.

Le lendemain quand il retourna à la pâture, il trouva comme la veille les barrières coupées ; il se mit à les raccommoder, et au moment où il finissait de les réparer, il vit venir un autre géant qui lui cria :

— Qu’est-ce que tu fais là, toi, petit ver de terre ?

— Cela ne vous regarde pas, grand homme, je fais ce que je dois faire.

— Je vais te tuer pour ce que tu es à faire.

— Nous allons bien voir, dit le petit forgeron, qui tira son sabre et trancha la tête au géant.

Il revint à la ferme, et chacun lui dit :

— N’as-tu rien vu aujourd’hui ?

— Si, répondit-il, j’ai vu quelqu’un, mais j’ai traité la personne d’aujourd’hui comme celle d’hier, et désormais elle ne me gênera plus.

En retournant à la pâture le jour suivant, il trouva pour la troisième fois les barrières coupées ; il les raccommoda encore, et au moment où il terminait, il vit venir un géant qui lui dit :

— Qu’est-ce que tu fais là, petit ver de terre, poussière de mes mains, ombre de mes moustaches ?

— Cela ne vous regarde pas, je fais ce que je dois faire.