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de placer dans le travail l’origine de la valeur, et il suffit de cette première observation pour étouffer dans son germe et pour ruiner dans son principe la doctrine de Smith et de ses disciples.

Mais il y a plus. Passons, si l’on veut, sur cette première difficulté. Admettons maintenant que toutes les valeurs soient des produits de l’industrie humaine et que la production soit la véritable source, la source unique de la richesse sociale. Du sein même de ce point de vue faux et incomplet, suivant moi, il me sera facile de combattre avec succès la doctrine des économistes anglais. Et, en effet, si toutes les richesses sociales sont le fruit du travail, si toutes les valeurs échangeables sont des produits, la valeur de tous ces produits ne peut alors venir que de la valeur du travail qui les a créés. J.-B. Say a eu raison de dire que la production, considérée sous un point de vue général, n’est autre chose qu’un grand échange dans lequel on donne continuellement des services productifs pour obtenir des produits en retour. Il suit de là que la valeur des produits n’est autre chose, sous un autre nom, que la valeur des services productifs. La valeur des produits n’est qu’une seconde édition de la valeur du travail. Mais alors il faut se demander : Pourquoi le travail humain a-t-il de la valeur ? D’où vient que la production entraîne des frais ? L’idée de la valeur échangeable est déjà dans l’idée de frais. C’est une observation qu’il ne faut pas perdre de vue. Et, en effet, qu’est-ce que les frais d’un produit, si ce n’est ce qu’on a payé pour l’obtenir, c’est-à-dire la somme des dépenses qu’on a faites ou des valeurs qu’on a sacrifiées pour le confectionner ? On n’a donc pas épuisé, tant s’en faut, la question de l’origine de la valeur échangeable, en soutenant que la valeur vient des frais de la production. Cela revient à dire, comme on le voit, que la valeur des produits représente la valeur des services productifs, et par conséquent celle du travail, si le travail compose à lui tout seul les frais de produc-