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table avec Roon et Moltke. Depuis la veille, il cherchait comment ranimer la querelle. Le message du roi paraît d’abord ne rien fournir ; on mange tristement. Mais Bismarck a réfléchi. Brusquement il se tourne vers Moltke, lui demande une dernière fois si le moment est bien venu de faire la guerre ; et alors, quittant la table, il rédige un télégramme qui sera envoyé à toutes les ambassades, communiqué à tous les gouvernements, publié, le soir même, dans un numéro gratuitement distribué de la Gazette de l’Allemagne du Nord. Cette dépêche est libellée de manière à faire croire que le roi de Prusse n’a même pas voulu causer avec notre ambassadeur. Elle ne rapporte pas, comme celle du roi, une conversation qui a eu lieu et que Guillaume n’a pas cru devoir reprendre parce qu’il jugeait le sujet épuisé ; elle rend simplement public, elle semble même annoncer officiellement à l’Europe un affront que le roi de Prusse aurait fait à la France. « À la bonne heure, s’écrie Moltke. J’avais cru entendre battre la chamade ; maintenant, c’est une fanfare. » Et les trois compères, jusque-là moroses, achèvent leur dîner joyeusement.

« C’est la guerre », disait le roi Guillaume en lisant le télégramme de son chancelier. Comment, en effet, aurions-nous évité la guerre ? On s’est demandé si le ministère Ollivier, en se décidant tout de suite, n’avait pas été trop prompt, si Bismarck n’eût pas été bien vite convaincu d’impos-