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soutenu chez nous que nous avions été trop prompts, que le ministère Ollivier aurait pu ne pas relever le gant : il a fallu que Bismarck se vantât de nous avoir, par la falsification de la dépêche d’Ems, contraints à lui déclarer la guerre. Pour ce qui est du roi Guillaume, on prétend, aujourd’hui encore, qu’il eût préféré la paix. Rien ne me paraît moins certain. Il faut juger un homme sur ce qu’il fait, et non pas sur ce qu’il dit. Or, Guillaume avait autorisé Bismarck à lancer la candidature Hohenzollern ; il ne pouvait pas ignorer que ce fût une provocation à la France : voilà pour le début. Il n’a jamais su mauvais gré à Bismarck d’avoir falsifié sa dépêche d’Ems par là, déclenché la guerre : voilà pour la fin. Que, dans l’intervalle, il ait eu des paroles de paix et même, pendant qu’il les prononçait, des velléités pacifiques, c’est possible, mais cela ne fait rien à l’affaire. Son état d’âme devait être celui du mari complaisant qui ne demande qu’à laisser le ménage tirer bénéfice d’une certaine situation, mais qui serait pris d’un scrupule presque sincère s’il ne pouvait plus être censé ne rien savoir.

Le plan de Bismarck était, semble-t-il, fort simple. Le maréchal Prim, avec lequel il s’était mis secrètement d’accord, devait, dès la réunion des Cortès, poser devant elles la candidature du prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen au trône vacant d’Espagne. La France ne pourrait pas laisser faire. Comprenant que c’était une