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cette violence initiale, constitutive de son essence, le nouvel empire fût contraint de s’armer de plus en plus formidablement, que sa puissance industrielle et sa puissance militaire, constamment intensifiées l’une par l’autre, devinssent une menace d’écrasement pour le monde civilisé tout entier. Bref, il fallait, après avoir battu l’Autriche, attaquer la France, lui prendre l’Alsace, peut-être aussi la Lorraine, et sur le plus impudent défi au droit bâtir l’impérialisme allemand. Tel était le plan de Bismarck, conception diabolique d’un homme qui fut le génie du mal, et qui, façonnant l’âme allemande à son image, la voua au culte de la matière et de la force. L’exécution de ce plan était déjà avancée au commencement de 1870. Certes, rien n’est fatal en histoire, en ce sens que tout aurait pu être empêché si l’on s’y était pris à temps. La guerre de 1870 n’aurait pas eu lieu, ou elle aurait tourné autrement, si Napoléon III avait pris parti pour l’Autriche en 1866 ; ou si, au lendemain de 1866, nous nous étions donné l’organisation militaire que le maréchal Niel et l’Empereur réclamaient, que le Corps législatif refusa ; ou si nous avions su mettre dans notre jeu les États de l’Allemagne du Sud ; ou si, pendant un certain nombre d’années, nous avions travaillé à nouer des alliances au lieu d’indisposer contre nous l’Europe. Mais prenez la situation telle qu’elle était en janvier 1870, quand Ollivier arriva au pouvoir : quelle force humaine eût pu détourner