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examen approfondi nous révèle la persistance d’une seule et même aspiration, suite naturelle du plus grand effort qui ait jamais été tenté pour ajuster le gouvernement des hommes au niveau de la raison. En proclamant l’égalité des droits et l’indépendance de la personne, la Révolution avait érigé en idéal le régime démocratique ; mais elle ne l’avait pas réalisé, car ce n’est pas en un jour, ni même en un siècle, qu’on pouvait substituer ou tout au moins superposer au sentiment et à la tradition, qui avaient toujours été les ciments intérieurs des sociétés humaines, le principe d’unification purement rationnel sans lequel il n’y a pas de démocratie vraie et qui est la communauté d’obéissance, librement consentie, à une supériorité d’intelligence et de vertu. Comment se recruterait, comment se constituerait en classe dirigeante et en conseil de gouvernement cette aristocratie nouvelle, toujours à renouveler, du talent, de la compétence, et surtout du caractère ? Tout le problème de l’organisation de la démocratie est là ; nous ne l’avons pas résolu. Il ne se résoudra, il ne pouvait se résoudre que par une série de tâtonnements et d’essais, comme il convient à un problème radicalement nouveau, pour la solution duquel il n’existe aucun précédent, aucune analogie sur quoi se régler. Mais tandis que travaillerait ainsi à se resserrer ou même à se refaire, sous une forme imprévisible et neuve, la cohésion relâchée et parfois rompue entre les éléments de la nation,