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chaise de poste pavoisée aux couleurs nationales amenait à Marseille celui que le gouvernement provisoire venait de nommer commissaire général des Bouches-du-Rhône et du Var, véritable dictateur investi de pouvoirs à peu près illimités sur deux départements. La surprise dut être grande quand on vit descendre de la voiture un tout jeune homme, — on eût dit un enfant. Il avait vingt-deux ans à peine. C’était Émile Ollivier.

Il avait voyagé avec son père, l’éloquent, l’impétueux, le généreux et génial révolutionnaire Démosthène Ollivier. À chaque relais de la voiture, Démosthène, debout sur le marchepied, haranguait les populations. Pour l’ère nouvelle qui venait de s’ouvrir, il annonçait l’égalité définitive, la liberté complète, la fraternité universelle. Émile le laissait faire ; mais arrivé à Aix, qui était la première ville de son ressort, il lui dit tout doucement : « À moi maintenant, cher père. » Et devant le père surpris, malgré lui charmé, il définit la république telle qu’il l’entendait, une république sage, qui avancerait prudemment par le commun effort des partis réconciliés. Telle est la politique qu’il apportait à Marseille.

Ce fut d’abord un enchantement. Le jeune commissaire s’adressait aux légitimistes comme aux républicains ; il les conjurait d’oublier les vieilles querelles ; à tous il communiquait son ardeur. Le poète Méry a parlé de cette éloquence de feu, et des scènes qui se déroulèrent alors à Toulon comme