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ennemis durent y rendre hommage, et que ses meilleurs amis s’en désolèrent. « Quand on est ainsi, s’écria un jour son grand admirateur Émile de Girardin, on ne s’occupe pas de politique, on se fait moine. » Telle était bien, à certaines heures, l’opinion d’Ollivier lui-même. Il a défini quelque part la politique « une absence de principes ». Il disait, il écrivait à droite et à gauche : « Je n’étais pas fait pour ce métier ; j’ai trop de bonne foi et d’ingénuité. » À aucun prix il n’eût utilisé, même pour les fins pratiques les plus hautes, les parties basses de la nature humaine, la cupidité, l’égoïsme, l’envie. Il était l’artiste qui voudrait tout droit sculpter son idéal dans le marbre, sans passer par l’intermédiaire de la terre glaise où l’on se salit les mains. Mais le marbre est dur à qui dédaigne la glaise. Sourdement, presque à leur insu, les meilleurs d’entre nous en veulent à celui qui pratique le détachement dans un domaine qui est, après tout, celui de l’attachement à la vie. Là est peut-être le secret de la fatalité qui a pesé sur des existences dignes d’admiration. Ce que nous appelons de ce nom n’est souvent que la revanche des forces naturelles sur la volonté humaine, quand l’esprit a trop contraint la matière ou prétendu se passer d’elle. Orphée entraînait les fleuves, les arbres et les rochers au son de sa lyre ; mais les Ménades le mirent en pièces.

Dans les premiers jours de mars 1848, une