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d’un groupe : c’est lorsqu’il fut un des Cinq de l’opposition. Mais dans ce parti, qui ne comptait que cinq membres, il y en avait au moins trois avec lesquels il ne s’entendait pas. Il était tout jeune, il avait vingt-quatre ans, quand, à la suite d’une tournée de conférences politiques qui déplurent au préfet du Var, il fut poursuivi sous l’inculpation de « tenue illégale de clubs ». L’accusation eut un moment d’embarras : Ollivier n’avait parlé qu’une fois en chaque endroit ; or, sans périodicité, pas de club. Mais bien vite elle passa outre : « Vous êtes, dit-elle à Ollivier, un club ambulant. » Elle ne croyait pas si bien dire. Même devant un grand auditoire, c’est à sa propre conscience, avant tout, qu’Émile Ollivier s’adressait. Il était à lui-même son public, son parti, son école, son église.

Que, dans ces conditions, il ait eu prise sur les hommes, cela s’explique par son incomparable éloquence et par l’irrésistible attrait d’une idéalité supérieure. Mais, pour retenir durablement ceux qu’on attire, des fils aussi délicats ne suffisent pas ; il faut des liens plus épais. Jamais Ollivier ne voulut rendre les services, grands et petits, par lesquels on s’attache une clientèle. Comme il dédaigna cette méthode de se faire aimer, il ne voulut pas davantage se faire craindre. Son bon cœur l’empêcha de sévir, lorsqu’il fut au pouvoir, contre les subordonnés qui contrariaient son effort. Son désintéressement était tel que ses pires