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bois mélodieux d’une planche d’harmonie. » Mais le plus souvent il fait évoluer devant nous son personnage, le renvoie quand nous croyons l’avoir assez vu, le ramène pour nous montrer que nous ne le connaissons pas encore, explique l’un par l’autre son passé et son présent, éclaire du même coup sa physionomie et son histoire, et de détail en détail, de l’accessoire à l’essentiel, poussant l’analyse jusqu’au degré de profondeur où elle devient synthèse, développe une à une les puissances d’un art qui, spontané et réfléchi, rappelle tantôt Sainte-Beuve et tantôt Saint-Simon.

Mais de son œuvre, comme de sa personne, ces brillantes qualités n’étaient que l’enveloppe matérielle : c’est la passion du bien qui en était l’âme. En toute circonstance, qu’on lui parlât du passé ou du présent, de ce qu’on faisait ou de ce qu’on pourrait faire, la même question revenait sur les lèvres de M. Émile Ollivier : « Où est le droit ? où est le devoir ? qu’exige, qu’eût exigé la justice ? » Tel vous avez connu votre confrère au déclin de l’âge, incapable de s’attarder longtemps au relatif, le rapportant aussitôt à l’absolu, et consentant tout au plus, pendant les premiers instants, à laisser la conversation rouler sur des sujets terre à terre, comme l’aéroplane à donner quelques tours de roue en vue de s’envoler. Mais tel il était dès sa première jeunesse. J’ai eu entre les mains les feuillets jaunis du journal qu’il commença à tenir en 1846, à l’âge de vingt