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Je ne connais pas d’œuvre, en effet, qui témoigne d’une érudition plus vaste ni de qualités plus variées. Captivante, entraînante, elle l’est du commencement à la fin, depuis ces dix-sept volumes d’Empire libéral où les souvenirs personnels, s’organisant avec l’histoire, l’animent d’une vie intense et lui donnent l’intérêt du drame le plus poignant, jusqu’au gracieux roman de Marie-Magdeleine et aux jolies études sur Michel-Ange, en passant par un gros traité de droit ecclésiastique, par un ouvrage capital sur le Concile du Vatican, par le fameux mémoire sur Le 19 janvier, par tant d’importants travaux sur des questions de philosophie politique, sociale et morale. On peut ouvrir ces volumes au hasard, partout on sentira l’écrivain de race. Mais si l’on veut choisir, on ira chercher les portraits encadrés çà et là, surtout dans L’Empire libéral. Quel don d’évocation ! Que de pénétration fine ! Tantôt, d’un trait jeté en passant, l’auteur marque ingénieusement une qualité ou un défaut, par exemple la sagacité de Morny : « Il écoutait ce qu’on pensait plutôt que ce qu’on disait », ou la lucidité de Vuitry : « Il entrait dans une question comme un rayon de lumière dans un paysage. » Tantôt il s’amuse à crayonner une esquisse légèrement caricaturale, comme celle d’un orateur illustre qui fut votre confrère : « Personne n’a fait répandre plus de larmes et n’a eu le cœur moins larmoyant : non pas qu’il l’eût de pierre ; il l’avait de bois, du