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s’étaient donné rendez-vous autour de son berceau. L’une avait dit : « Tu seras musicien ou poète. En attendant que tu viennes t’asseoir où se sera assis Lamartine, je veux répandre autour de ta personne un parfum lamartinien. » Une autre : « À nulle forme du beau tu ne seras insensible ; et comme tu auras étudié, analysé, approfondi ce que la France et l’Italie ont fait de meilleur dans les lettres et dans les arts, tu seras le spécimen rare, peut-être unique, d’une culture deux fois latine. » Une autre : « Parce que ton âme sympathisera naturellement avec les autres âmes, tu pénétreras sans effort dans les replis secrets du cœur humain. Sois moraliste, sois romancier, sois le peintre des hommes de ton temps. » Une autre : « Évoque plutôt les hommes d’autrefois. Au passé mort tu es fait pour réinsuffler la vie. » Une autre : « Non, le passé ni le présent ne sauraient te satisfaire, parce que tu seras de ceux dont il est dit qu’« ils ont faim et soif de « justice », que « pour la justice ils vivent et combattent ». Je te vois réformateur des lois et des constitutions, manieur de foules, entraîneur d’hommes… » Et comme elles allaient se quereller, celle qui n’avait pas encore parlé dit à l’enfant : « Tu auras tous les dons qu’on t’offre, et d’autres encore ; mais vois, je mets chacun dans tous et de tous je ne fais qu’un : l’éloquence. Une éloquence si simple et si pure, qu’on se demandera d’elle, comme devant l’architecture d’un temple grec, de quoi elle peut bien être faite. Une