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puisqu’on nous donne, tout bonnement, « le livre du héros de ce temps. »

Le Christ de Saint-Georges de Bouhélier ne ressemble guère, en effet, à Jésus de Nazareth. Certes, le toujours jeune auteur a lu les Évangiles, ou du moins il le croit. Mais ce n’est pas de ces vieux livres, c’est de lui-même qu’il a voulu sortir « un Christ nouveau tout entier » : « J’ai laissé de côté les Évangiles antiques, je me suis écarté du Christ qui y est peint. » Pourquoi alors conserver le nom de Christ à son personnage ? C’est qu’il convient, sans doute, de remplacer les Évangiles « antiques », trop peu naturistes, par le chef-d’œuvre du gosse à Lepelletier.

Le « nouveau Christ » fait des discours anarchistes. Je n’y vois nul inconvénient. Ses disciples comprennent mal. Ils croient obéir à la pensée du Maître en faisant sauter une ville. « Trahi dans son esprit », le nouveau Christ se met bougrement en colère. Une nuit, en pleine rue, il adresse à ses compagnons étonnés des vocatifs qui ne manquent pas d’énergie : « Ô viles brutes que vous êtes !… Ô infâmes traîtres !… » Après d’autres injures qui ont sans doute quelque chose de rituel aux yeux du