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que du bruit sous le marteau. » Les pauvres ouvriers, en effet, qui attachent à leurs membres naturellement si lourds l’écrasement du plomb baconien et qui essaient de « penser le monde » suivant des méthodes faites pour saisir de tout petits détails indifférents ! Ils ne savent pas que Platon, Plotin et Malebranche sont les plus hardis des poètes et que toute synthèse est nécessairement faite d’autant de rêve que de pensée ou, s’ils le savent, ils ne parviennent point à se consoler de cette beauté inéluctable.

Ô mon âme, laisse dans la vallée étroite les ouvriers penchés qui nient le ciel. Méprise leurs outils gauches et le plomb dont ils s’alourdissent de peur que quelque vent d’extase ne les enlève trop haut. Même d’une cire qui fondra, attache-toi les nobles ailes et vole, enivrée, dans la beauté immensément monotone de l’azur. Qu’importent les ricanements dont les prudents immobiles accompagneront ta chute, puisque, un instant du moins, tu auras plané et tu auras vu…