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tant en nous des « vérités » nouvelles, et nous nous gardons bien de les confronter avec les anciennes. Aussi « le cerveau de l’homme civilisé est un musée de vérités contradictoires ». Et, remarque le cruel philosophe, l’homme « n’en est pas troublé parce qu’il est successif. Il rumine ses vérités les unes après les autres. Il pense comme il mange. Nous vomirions d’horreur si l’on nous présentait dans un large plat, mêlés à du vin, à du bouillon, à du café, les divers aliments, depuis les viandes jusqu’aux fruits, qui doivent former notre repas successif ; l’horreur serait aussi forte si l’on nous faisait voir l’amalgame répugnant des vérités contradictoires qui sont logées dans notre esprit ». Rémy de Gourmont fait voir souvent « l’amalgame répugnant ». Quand il nous rend ainsi « simultanés » pour un instant, notre premier mouvement est une révolte, non contre nous, mais contre lui. C’est le résultat qu’obtient toujours le courageux qui dirige une lueur sur l’amas d’immondices qu’est l’esprit passif.

Son mépris pour l’entassement fou et ignoble qui forme une intelligence obéissante est moins odieux encore que son amour pour l’harmonie nouvelle qu’est tout esprit libre. Il ne voit guère