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d’un mérite dont je le croyais incapable, la souplesse oratoire. Né pour amuser les lettrés et pour faire jouir les poètes, voici qu’il obtient les applaudissements des francs-maçons.

Depuis quelques années, nos intellectuels, croyant peut-être comme les écrivains russes aller au peuple, vont aux diverses populaces qui votent. Jules Lemaître est devenu un frère prêcheur ; Laurent Tailhade, un f∴ orateur.

Dans ses Discours civiques, la phrase, d’un rythme souvent admirable et qui toujours s’admire, s’étale comme une queue de paon. Elle porte le coloriage amusant de nombreux latinismes. Diverses éruditions y doivent faire bâiller la colonne du Nord et la colonne du Midi. Mais les lumières de l’Orient brillent d’enthousiasme et s’étonnent qu’avec tant de grâce on porte tant de science. Les lumières de l’Orient sont naïves et ne soupçonnent jamais que les poids soulevés par un hercule de loge puissent être du carton peint en fer.

Autant que par ses pédanteries, Tailhade éblouit ces pauvres gens par ses prétentions aristocratiques. Il a, ce noble individualiste, tous les snobismes sociaux. Il ne sait même pas mépriser d’une façon qui ne soit pas mé-