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Étudions son cas dans Jude l’Obscur, le plus complet peut-être et le moins mal composé de ses romans.

L’auteur semble d’abord occupé uniquement de Jude l’autodidacte, de ses efforts malheureux vers la conquête d’une position libérale, de ses efforts à demi heureux vers la conquête de la science désintéressée. Mais voici, hésitante et envahisseuse comme le flot qui monte, puérilité persistante en qui rien n’éveillera des sens ou un cœur de femme, mais dont la tête faible se grisera tantôt de perversités, tantôt de vérités, tantôt de folies, — Suzanne. Une telle malade peut être un sujet d’étude curieux, mais il serait absurde de confier à cet être titubant vers toutes les chutes le flambeau dont on voudrait éclairer la prochaine route de l’humanité. Or cette absurdité le romancier anglais s’y complaît, et c’est le défaut radical de son livre.

Suzanne a rencontré Jude et s’est fait aimer de lui. Elle éprouvait elle-même un sentiment mal défini, où l’amour tient moins de place que le caprice de dominer et la fantaisie de faire souffrir. Mais peu à peu elle se prend au jeu cruel et dangereux et, quand elle est devenue