ses drames avec amour et rêva de la cantatrice dont la voix donnerait à ses vers une beauté nouvelle. Mais à chaque instant sa maîtresse sentait qu’il « n’aimait personne, ni elle, ni Donatella, mais qu’il les considérait l’une et l’autre comme de purs instruments de l’art, comme des forces à employer, des arcs à tendre. »
Il est capable d’ailleurs de quelque diversité de joies et il ne rêve pas uniquement aux bravos de la foule. Une fièvre de succès, de plaisir et de domination aussi ardente que celle d’Annunzio ne va pas sans délire de cruauté. Non seulement il sacrifierait avec indifférence tous les êtres au moindre intérêt personnel ou à la moindre fantaisie. Volontiers il en sacrifie à rien, à la volupté de voir souffrir. Il adore sa « chère âme » vide comme une idole, et les idoles aimèrent toujours l’odeur infâme des sacrifices humains.
À vrai dire, il me paraît fou. Il est atteint, comme un Érostrate ou un Néron, de démence destructive. En regardant une illumination, il se dit, joyeux : « À quelque amant néronien caché sous le felse, Venise offrira dans une heure le spectacle d’une ville délirante qui s’in-