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blent crier l’éternité de la douleur. Le poète écoute, dans la prière désolée de la femme, la grande plainte de toujours. Il la relève, il la rappelle à l’espoir. Il dit la puissance de renouvellement de la nature, et que l’hiver est la préparation secrète du prochain printemps, et que toute souffrance réelle est le creuset d’une joie de bientôt. Mais il faut rejeter les douleurs imaginaires et l’humanité doit marcher libre, débarrassée de la croix qui pèse sur elle depuis trop de siècles.

Vous devinez que ce premier chant est un hymne panthéiste à la nature. Mais ce qu’on ne saurait deviner et ce qu’on ne saurait dire, c’est la beauté noble de son mouvement lyrique.

Le second chant commence par l’idylle à travers la forêt. Le poète et la bien-aimée vont regardant dans leurs yeux le reflet de la joie des choses et oublieux de l’humanité mauvaise et dolente. Bientôt des inquiétudes pénètrent leur bonheur et, comme la mer immense envahit peu à peu une barque frêle, les voix des douleurs arrivent à eux et les troublent. Va-t-elle donc, agonie qui se débat, sombrer dans l’universelle souffrance, la pauvre barque de leur bonheur. Non, ce sera mieux. Ils iront d’eux-mêmes, apôtres