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tion complexe, longue à démêler. La force, la ruse, les jeux heureux ou tricheurs du commerce et des affaires, le mensonge de l’or richesse représentative acceptée comme richesse réelle, l’usure : voilà quelques-uns des nombreux éléments de la réponse. Mais ce ne sont pas les Maîtres que je veux étudier aujourd’hui. C’est une classe particulière d’esclaves, la plus ignoble, celle des prostitués.

Une femme a dit au Maître :

— Regarde, je suis belle. Impose à cette autre, qui est laide, ma part de travail. Moi, je t’aimerai. Laisse mon embonpoint se développer dans l’inaction et mes bras blanchir à l’ombre : tu auras à ton cou un collier plus beau et plus doucement caressant. Délivre mon corps de joie ; délivre mes rêves d’amour : tous les songes libres, toutes les pensées libres de ton esclave seront tournés vers toi. Rêver de ta beauté, de ta grandeur, de la douceur affolante de tes baisers, cela suffit à remplir une vie.

Le Maître a répondu :

— Tu es belle. Tu vivras de ta beauté comme d’autres vivent de leur force. Ton bai-