Page:Ryner - Prostitués, 1904.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

posé, ce collier dénoué d’épisodes n’est pas tout le livre. Voici, assez curieux et assez original, un roman de critique littéraire. Avec des aveuglements singuliers et tout à coup d’étonnantes clairvoyances, Léon Daudet étudie la genèse du génie shakspearien. Chacun des drames rencontrés dans la vie contribue à former le futur dramaturge ; chacun des personnages vus et entendus se transforme en l’esprit du jeune Shakspeare, s’harmonise et grandit jusqu’à l’intensité tragique. Il est intéressant de voir la matière première de ce qui deviendra poésie.

Quand je lisais pour la première fois ce livre aux âpretés incertaines et aux violences troubles, je me charmais surtout à considérer Léon Daudet, être équivoque dont je ne devinais point l’avenir banal. Un an plus tard paraissait Suzanne, le livre de transition vers le catholicisme, le En route de ce jeune Huysmans. Tout en refusant encore de voir, je m’irritais et je reprochais à l’auteur d’obéir à une mode[1] :

« Une conversion est considérée depuis quelque temps, comme le plus élégant des dénoû-

  1. Demain, 18 janvier 1897.