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tudes du cœur et celles de l’esprit ; les « vaines tendresses » pour ce qui passe et pour la vérité éternelle. Les vers qu’il a écrits sous les deux autres inspirations sont tous périssables et la plupart déjà morts. Il restera le poète des amours froissées et du Vase brisé, du tremblement métaphysique et du Doute, de l’espérance lasse qui se relève avec effort et des Danaïdes. Ici il lamente d’un accent pénétrant et sur le rythme de symboles harmonieux son âme tendre et frêle. Ailleurs, il a surtout manifesté son impuissance lyrique ou le manque de courage de son esprit, amoureux vraiment trop platonique de la justice et du sacrifice.

Il est absurde de nier, comme le fit Sully-Prudhomme, la poésie de l’anthropomorphisme astronomique qui à l’énormité insaisissable d’un spectacle effrayant impose la mesure, la forme, la beauté douce d’un sourire familier. Mais on peut rêver une autre poésie cosmique, on peut rêver de dire l’élan étonné et vaillant pour sonder l’insondable ; on peut s’éloigner du charme hellénique de l’esprit qui se repose et se satisfait en une conception finie, pour se jeter dans les épouvantements barbares et sublimes en face de l’abîme qui s’ouvre sous nos pieds, et