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N'éprouve-t-il pas un plus grand mal encore ?

Il est esclave du désir et de la crainte.

Quel est l'état de celui qui sait pratiquement que les choses qui ne dépendent pas de nous sont indifférentes ?

Il est libre. Personne ne peut le forcer à faire ce qu'il ne veut pas ou l'empêcher de faire ce qu'il veut. Il n'a à se plaindre de rien ni de personne.

La maladie, la prison, la pauvreté, par exemple, ne diminuent-elles point ma liberté ?

Les choses extérieures peuvent diminuer la liberté de mon corps et de mes mouvements. Elles ne sont pas des empêchements pour ma volonté, si je n'ai pas la folie de vouloir ce qui ne dépend pas de moi.

La doctrine d’Épicure ne suffit-elle pas dans le courant de la vie ?

La doctrine d’Épicure suffit si j'ai les choses nécessaires à la vie et si je me porte bien. Elle me rend devant la joie l'égal des animaux, qui ne se forgent pas des inquiétudes et des maux imaginaires. Mais, dans la maladie ou dans la faim, elle ne suffit plus.

Suffit-elle dans les relations sociales ?

Dans les relations sociales courantes, elle peut suffire. Elle me libère de tous les tyrans qui n'ont de pouvoir que sur mon superflu.

Y a-t-il des circonstances sociales où elle ne suffit plus ?

Elle ne suffit plus si le tyran peut me priver de pain ; s'il peut me mettre à mort ou blesser mon corps.

Qui appelez-vous tyran ?

J'appelle tyran quiconque, en agissant sur les choses indifférentes, telles que mes richesses ou mon corps, prétend agir sur ma volonté. J'appelle tyran quiconque essaie de modifier mon état d'âme par d'autres moyens que la persuasion raisonnable.

N'y a-t-il pas des individualistes auxquels l'épicurisme suffira ?

Quelque que soit mon présent, j'ignore l'avenir. J'ignore si la grande attaque où l'épicurisme ne suffit plus ne me guette pas à