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sang ou, déjà fouilleuses comme des groins de porcs, l’amour de la boue que fait le sang.
Mais, derrière ceux qui se précipitent, des cris surgissent comme des chefs qui ordonnent une halte :

Non, non, n’avancez pas. Nous voulons voir. Nous voulons notre part… À coups de pierre. À coups de pierre.

Les premiers rangs hésitent devant ces légitimes réclamations. Ils s’arrêtent, énormes flots suspendus. Mais les cris, rendus exigeants par un premier succès :

Vous êtes trop près. Nous ne voyons rien. Nos pierres vous blesseraient. En arrière, en arrière.

Un désordre étrange, un tumultueux recul de fous qui voudraient avancer. Et la grande clameur reprend :

Mort aux ennemis des dieux !

Les gens se baissent en une hâte frémissante. Ils se relèvent et les bras se dressent, armés de pierres.


épictète tend vers la foule une main de calme. La beauté de son assurance tranquille obtient l’étonnement et presque le silence. Il dit :

Il n’y a pas seulement des chrétiens ici.


la foule

Eh ! bien, partez. Venez avec nous. Nous ne voulons tuer que les chrétiens.


épictète

Vous ne tuerez personne ou vous nous tuerez tous. Il ne sera pas dit que seuls les chrétiens sont braves.


quelques-uns dans la foule, paraissent retournés par cette parole

C’est vrai, c’est vrai,

Et un mot court :

C’est Épictète. Vous savez, c’est Épictète.

Même quatre ou cinq vivats éclatent :

Tu as raison, tu as raison. Vive Épictète !