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historicus

Je t’ai entendu dire un jour que tu portais dans ton cœur la vaste charité du genre humain. Aime donc ces hommes auxquels tu venais annoncer la Bonne Nouvelle. Tu les appelais tes frères et tu voudrais, pour ton avantage particulier, pour ton bonheur à toi seul, pour ton salut égoïste, les inciter à un crime, les faire descendre plus bas dans le mal, les pousser plus près des ténèbres extérieures. Ô menteur qui prétendais sauver leur âme et qui veux tuer leur âme. Aime donc ces hommes, si tu étais sincère, aime tes frères au lieu de n’aimer que Théophile. Ne sois pas au pays de l’âme ce qu’est Porcus au pays de la chair, un être sans générosité et qui ne songe qu’a ses voluptés personnelles.


théophile

Il y a dans tes phrases, mêlés avec des impiétés, des mots qui sont nobles et chrétiens. Mais presque tous les docteurs prêchent le martyre.


historicus

Presque tous, dis-tu. La foule ne monte pas aux sommets généreux et le troupeau prend volontiers le chemin qui descend. Mais quelques-uns de tes docteurs, ceux qui ont écouté en eux-mêmes la parole divine, ont compris que tu n’as pas le droit de condamner des centaines d’hommes pour essayer de te justifier et de te glorifier, Ils ont compris que tu commets un crime si, dans l’espoir que ta voix montera plus haut vers ton dieu proclamé, tu fais injurier ton dieu par des voix nombreuses.


théophile

Que dis-tu ? Tu m’ébranles. Je ne sais plus…


historicus

Mais si, tu sais. On n’a pas le droit d’exciter la colère des