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n’ose couvrir de risées la fille absurde. Mais on sourit, attristé, en se disant : « Voilà pourtant une fille d’Épictète ! » Et on hésite à s’avouer qu’elle est laide et qu’elle est folle.


épictète

Tu vois que je suis boiteux, que je suis vieux, que je suis laid. Je ne suis pas assez injuste pour me fâcher si on me dit ces vérités ou toute autre vérité. Donc, si quelqu’une de mes pensées te paraît boiteuse et faible comme moi, ne doute pas de le dire. Tu te dois et tu me dois d’être sincère.


serenus

Je rirais donc, ô Épictète, si un autre voulait me persuader que toutes les actions humaines sont vues par la divinité sans qu’une seule lui échappe. Car les hommes sont innombrables sur la terre et chacun d’eux s’agite beaucoup : on ne saurait voir tant de choses à la fois.


épictète

Ris sans te gêner, mon Serenus. Tu ne me blesseras point. Et tu auras raison de rire, toi qui ne veux pas comprendre que toutes les choses du monde ont entre elles une liaison.


serenus

Quand même je t’accorderais pour un instant ce lien universel, quel avantage en tirerais-tu contre moi ?


épictète

Je te ferais avouer que les choses terrestres sont régies par les choses célestes.


serenus

Comment me le ferais-tu avouer ?


épictète

Vois, te dirais-je, comme toutes les choses de la nature arrivent dans les temps marqués, comme chaque saison vient fidè-