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serenus

Tu me parais obscur comme Chrysippe lui-même. Toutefois, j’essaie de te comprendre. Vous croyez que tout est réglé. Nous croyons que tout arrive au hasard. Votre univers est un sage que vous aimez ; notre univers est un fou que nous dédaignons. Mais il y a un point sur lequel nous sommes d’accord. Tu ne te représentes pas Dieu ou les dieux comme un homme ou comme des hommes.


épictète

Quelques uns croient que le monde a la forme humaine. Moi, je suis persuadé que la forme sphérique est plus parfaite ; je suis de l’avis de Chrysippe qui imagine le monde, et par conséquent Dieu, sous cette forme. Mais ce détail est presque indifférent. L’important, c’est de savoir qu’il y a un Dieu dans le monde comme il y a une vertu dans le sage.


serenus

Ton Dieu, si je te comprends bien, c’est une sorte d’effort, de tension.


épictète

Oui, comme la raison, comme la liberté.


serenus

Au fond, ce qui nous sépare, c’est que les stoïciens voient toutes choses sous la catégorie du travail harmonieux. Vous entendez l’effort comme une musique ; nous l’entendons comme un cri ou un grincement. Nous voyons que le hasard agite le monde comme un enfant secoue son crépitaculum, et nous nous réfugions dans le repos.


épictète

Je crois que tu dis vrai touchant les deux doctrines.