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chrétien qui prie pour l’impérator un dieu inconnu de l’impérator. La route va se couvrir de vrais et de faux philosophes. Dans une heure, je serai en compagnie nombreuse. Si cependant le poids des années et ma jambe trop courte me permettent d’aller aussi vite que les autres.


arrien

Maître, pourquoi fais-tu semblant de ne point me comprendre ? Tu sais bien que je ne pense pas à ces gens-là, quand je dis : « Tu allais partir seul ! » Mais je me plains parce que tu quittais, la Ville sans m’avertir, moi qui t’aime et qui ai besoin, de toi. Ainsi tu partais sans dire à Arrien : « Viens avec moi. » Ainsi, maître, tu voulais m’abandonner…


épictète

On n’a jamais besoin que de soi-même et on ne peut être abandonné que par soi-même.


arrien

Hélas ! c’est toi qui es toute ma sagesse. Je suis un enfant qui ne saurait se passer de son père.


épictète

Ne serais-tu pas plutôt l’homme tremblant qui a toujours refusé de marcher seul ?


arrien

Non, maître. Je sais mesurer la distance qui nous sépare. Si tu es un homme, je suis un enfant qui chancelle. Mais, si j’étais un homme, tu serais un dieu.


épictète

Ô mon ami, ô mon fils, tu crois parler à un sage. Adresse-toi donc de préférence au sage qui est en toi comme la statue est dans le bloc de marbre, au sage que tu dois délivrer de sa gaîne banale, comme je dois dégager le sage qui est en moi.