Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


serenus

C’est Historicus, je le crains, qui traduit mal. Il transforme en beautés grecques des sottises et des folies d’Asie. Ce Jésus de Nazareth, après tout, n’était qu’un barbare, comme ses disciples. Écarte-toi promptement, Historicus, de la faute que tu reprochais à Épictète. Chez un historien, elle donnerait occasion de rire.


historicus

Hélas ! je fais de l’histoire sans autre document que des fables milésiennes. Je suis un architecte à qui on donne, au lieu de pierres, des nuages qui fuient ses mains. Ah ! combien la parole de Jésus m’est difficile. Elle n’a pas la précision carrée et blessante d’une parole romaine ; elle n’a pas non plus la précision souple et souriante d’une parole grecque. Elle est je ne sais quelle lumière flottante, et qui éblouit peut-être plus qu’elle n’éclaire. Pour comprendre ce noble barbare, il se peut que je le fasse trop grec. Sa pensée sûrement n’est pas matérielle comme une avidité de Pierre ou de Jacques. Mais elle ne ressemble pas davantage à une idée de Platon. L’idée de Platon est la mère parfaite des réalités imparfaites. La pensée de Jésus, plus belle que les choses, émane peut-être des choses. Ainsi une fumée légère et odorante s’élève des grains grossiers de l’encens. Mais je dis des à peu près qui me laissent insatisfait et je ne sais vraiment par quel artifice vous chanter un peu et me chanter un peu ce qu’est le verbe de Jésus.


théophile

Ton impuissance est celle de l’homme qui essaye de comprendre, au lieu d’adorer, la pensée divine.


historicus

Par des gestes dont l’harmonie originale m’est inexprimable, il essayait, comme Épicure ou Zénon, un travail de sauveur et de