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tères de l’individu. L’homme peut se définir ; Historicus ne sera jamais défini par des mots, même nombreux.


historicus

Je le sais. Mais je cherche une vérité aussi riche que possible. Apelles dans ses tableaux ne me donne pas les objets même qu’il peint. Quand on passait derrière le véritable Alexandre, on voyait toujours Alexandre. Quand tu passes derrière un Alexandre d’Apelles, tu ne vois qu’une toile rugueuse et inexpressive. Pourtant le peintre me donne plus que celui qui avec un charbon dessine le contour des objets. Or la philosophie dessine seulement le contour des objets. Elle ignore mille choses que l’histoire connaît, la couleur, les ombres, les mouvements. Un grec de mes amis a coutume de répéter : « La philosophie est une statique ; l’histoire est une dynamique. » Or tout est mouvement.


théophile

Tout est mouvement sur la terre. Tout est paix et repos dans le ciel. Le mouvement, c’est le temps. Mais, toi, Éternel, tu t’appelles aussi incorruptibilité et immobilité.


épictète

Mon esprit te fait aussi des objections, mais ma bouche ne les dira point. Car ta pensée, qui n’est pas complètement fausse, m’intéresse. Et je préfère ne pas entasser devant elle des paroles hostiles, obstacles qui troubleraient les courbes harmonieuses du fleuve.


historicus

D’ailleurs, je n’ai pas la prétention de dire ta pensée ou celle de Théophile. Et, en un sens, je ne les nie pas. L’historien ne nie aucun fait. Vos pensées m’intéressent comme des faits. Mais ma pensée a une valeur de plus ; ma pensée est une méthode.