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une heure, triompher du Dieu. « Je voudrais être Diogène si je n’étais Alexandre », a dit le Macédonien à qui Aristote avait négligé d’enseigner la véritable hiérarchie des êtres. Je crois entendre le monstre orgueilleux déclarer : « Je voudrais être Hercule si je n’étais l’hydre ». Ou bien le dragon couvert d’écaillés scintillantes siffle : « Je consentirais à être Apollon si je ne pouvais être Python ». Moi je voudrais être à la fois le dédain d’en haut et la puissance d’en bas, Diogène et Alexandre. Ou plutôt — car cette ambition serait folle même chez un Dieu — je voudrais être l’humble miroir, l’onde véridique qui reflète tantôt la beauté sereine et durable du sage, tantôt la fougue hardie du guerrier. Mais je m’égare à dire mon rêve, moi qui n’avais pris la parole que pour te reprocher, Historicus, de sacrifier la vérité philosophique, la plus universelle de toutes les vérités et la seule utile, celle qui, comme la lumière du soleil, embrasse tous les pays et tous les temps, celle qui seule rayonne du bonheur,


historicus

Pour te faire plaisir, mon Arrien, je reconnaîtrai divers degrés de vérité. Mais, crois-moi, c’est au sommet qu’il convient de placer la vérité historique, la seule qui mérite complètement le nom de vérité.


fluctus

Il est toujours impossible de savoir comment un fait s’est passé. Si dix témoins qui ne se sont point concertés disent un même événement, tu croiras entendre dix événements différents Donc, les autres vérités niées par Historicus, la vérité historique détruite par moi, il ne reste plus de vérité. Et, sur je ne sais quelles ruines fuyantes, le conquérant Fluctus triomphe et s’écroule.


le petit carnéade

Il y a des choses vraisemblables. Il est vraisemblable que Domitien est César et que nous partons pour l’exil.