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de la forme de leur vie. Pour le pythagoricien, la pureté morale est-elle autre chose qu’un moyen de science, lumière sans valeur par elle-même qui éclaire le trésor ? Pour tel socratique, la science est-elle autre chose qu’un chemin, indifférent s’il ne conduit pas à la perfection du geste ? Et n’y en a-t-il pas qui ne parviennent jamais à prendre un parti définitif ou qui se trompent de drapeau ? Il y a confusion et flottement dans l’esprit d’un Rabelais. Un Sénèque se laisse engager par les circonstances à des professions de foi qui contredisent sa vraie décision intérieure. Rabelais est peut-être un chaos comme son livre ; dans un labyrinthe qu’éclaire mal une torche fumeuse, il se cherche sans se trouver et son âme n’est jamais le grand soleil de bonne volonté qui partout à la fois dissipe les ténèbres. Parce que le stoïcisme est en son temps un parti politique et permet les ambitions extérieures, Sénèque, pythagoricien de nature, se dit et se croit peut-être stoïcien : il lui manque la grande sincérité qui seule projette la lumière aux profondeurs et aux replis.

Le Boire et le Rire — la science et la liberté — sont les deux grandes aspirations humaines. On ne consent pas facilement, même par hypothèse, à sacrifier l’une à l’autre. Je suis obligé à un effort pour sentir que le rire m’est plus indispensable. Ah ! le tremblement et la méfiance de soi avec lesquels on se promet qu’au choc de la nécessité on saurait opposer un inébranlable héroïsme… Je les éprouve quand j’affirme que, privé du boire, je resterais un homme, et un homme heureux. Beaucoup sont effrayés jusqu’à