Page:Ryner - Le Présent du berger, paru dans Le Radical, 17 mai 1914.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quel maître aurait voulu de lui ? De petites économies, sans doute, mais qui fondraient si vite… Sagement, il les avait employées à l’achat de quelques moutons qu’il menait paître sur la colline. Mais il avait une grimace mécontente si un passant lui demandait :

— Comment va, berger ?

Au contraire, une lueur de plaisir, presque de fierté, s’allumait dans son regard si le passant disait :

— Eh ! vieux goéland, comment va la Bonne-Mère ?

Au commencement, à plusieurs reprises, on avait voulu lui acheter sa barque. Londas, d’ordinaire si doux et si bon, avait reçu les offres avec colère, comme des injures. Tant qu’il vivrait, non, personne ne monterait cette Bonne-Mère qu’il ne pouvait plus monter. Il en était jaloux comme un vieillard est jaloux de sa jeune femme.