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moi railleur et méchant » ? Cette lutte tragi-comique entre les deux moi fut déjà contée par Saint-Paul et par Molière. Ici, Mercure,


          Ce moi qui s’est montré mon maître,
          Ce moi qui m’a roué de coups,



dépasse vraiment les limites de la cruauté. Il ne lui suffit pas de démolir Sosie ; il fait crouler ses ruines mêmes :


    Il sape lentement chacun de mes amours.
    Je les vois crouler tous et je reste meurtrie.
    Alors, n’ayant personne à qui tendre les bras,
    Le cœur plein de tristesse et l’âme endolorie,
    Je sens un vide affreux auquel il ne croit pas.


Cette Obsession me paraît décrire, de façon heureuse et anti-poétique, le cercle absurde de l’anti-poétique enfer où Sully-Prud’homme, petit Virgile, a égaré cette pauvre Louise Ducot, Dante anémique. On y voit non seulement la matière des « poésies », mais encore les qualités et quelques-uns des défauts de leur manière. On y trouve, comme partout, cette précision sèche et anguleuse qui blesse dès le premier dystique :


          Le souci des choses pratiques
          Vide mon cœur à tout instant.


Si vous n’étiez averti, ne croiriez-vous pas lire du mauvais Sully-Prudhomme ?